Le Sacré-Coeur-Paris-Montmartre-
La Butte a toujours su reconnaître les siens.
Et se garder des importuns, quitte à leur concéder ce qu’il faut de folklore pour les évincer prestement de ses havres habilement dissimulés, Station Anvers, la rame régurgite des fournées de touristes hagards qui bloquent la sortie, forcent le passage piétons du boulevard de Rochechouart puis s’approprient le macadam de la rue de Steinkerque. Accès direct au funiculaire, les pavés de Steinkerque ont été sacrifiés aux déballages de fripes de trottoir, vendeurs de sandwiches garnis salade-défraîchie et autres présentoirs de tours Eiffel en porte-clefs. Car au bout de la rue, là-haut, la basilique pâtissière en forme de meringue, les portraitistes tantôt racoleurs tantôt débonnaires de la petite place du Tertre, tout cela appartient à ces curieux d’un jour.
Montmartre y a remballé depuis longtemps sa bohème et sa gouaille pour s’en aller nouer ailleurs ses liens farfelus et bonhommes : son tissu social s’est replié dans ses ruelles, enroulées en escargot autour du tertre. A l’angle Orsel-Steinkerque, 20 mètres à gauche, Montmartre sourit : cette rue-là, de ce côté-là, n’a pas cédé son quotidien à l’artifice. Place Charles-Dullin, à l’ombre des tilleuls, les jeunes techniciens du théâtre de l’Atelier s’esclaffent en déchargeant les décors de la nouvelle pièce.
Au bar du coin, rebaptisé en été « la plage » en raison de sa petite terrasse ensoleillée improvisée sur le trottoir, des habitués profitent de la pause déjeuner pour consolider un credo local : ici, moins on se ressemble, plus on s’assemble ! Le visage émacié de Laurent Terzieff qui traverse la place trahit une expression de tendresse pour cet environnement familier. Et son regard abyssal d’acteur metteur en scène s’entiche un instant d’une trouée de ciel dans la frondaison de ces tilleuls accroche-coeur qui rendent les passants si peu sérieux, quand, par malheur, ils s’égarent sur cette promenade…
A droite, rue des Trois-Frères (percée sur des terrains appartenant aux trois frères Dufour), un raidillon sournois stoppe l’élan du citadin : Montmartre se mérite. Et impose toujours, bon gré mal gré, son propre rythme aux promeneurs. Lire la suite : Paris-Montmartre
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