
Lorsque Yamina revint en France, elle pensait bien que tous ses soucis prendraient fin. Ali, son mari, était mort ainsi qu’un de ses fils, dans un tragique accident, alors que toute la famille était retournée vivre en Algérie, pour un essai de retour au pays.
La mort d’Ali avait tout bouleversé et quand, selon la loi du Coran, ses beaux-parents eurent prélevé leur part sur les biens du ménage, Yamina se retrouva à la charge de sa famille. Là-bas, une femme sans mari n’a aucun droit : pas de maison, pas de travail ; le gouvernement algérien n’accorda aucune aide ; Ali travaillait depuis vingt-trois ans en France.
C’est pourquoi, sur les instances d’une soeur établie en France, Yamina revint parmi nous avec ses quatre enfants.
Malheureusement tout allait se compliquer. Bien vite sa famille se fatigua de la cohabitation. Yamina avait avait touché un petit pécule de la société qui employait son mari ; elle chercha un appartement et mit dans la caution tout ce qu’elle avait. Mais il fallait vivre et se meubler. Le Bureau d’Aide Sociale apportait une aide ponctuelle en attendant que la situation s’éclaircisse et prévenait notre équipe. Par le concours de chacun, très vite l’appartement était habitable, même agréable. Yamina, au bord de la déprime, reprenait un peu d’espoir.
Les démarches piétinaient. L’autorisation de résider en France tardait à venir ; sans elle, pas de travail ! Il fallait trouver une solution. C’est alors qu’un réseau d’amitié se tissa autour de Yamina, chacun comprenant qu’en lui demandant des services, cela protègerai sa dignité et permettrait de la dépanner. Quelques heures de rangement au vestiaire et plus de honte à y habiller ses enfants… Jacqueline décida de lui demander deux heures de ménage par semaine ; Bertrand lui proposa quelques heures de garde auprès de son père âgé et seul, et Catherine d’aller chercher sa fille à l’école.
Ecrire, faire les démarches administratives, se présenter chaque mois à la préfecture… autant de tâches difficiles, impossibles même à réaliser seule. Yamina, les larmes aux yeux, nous a dit : « sans toute l’amitié que je sens autour de moi, j’aurai déjà sombré. »
Nous nous heurtons à des lois impossibles. Yamina est algérienne, ses enfants français. Nous sommes dans une impasse : selon la loi, elle doit retourner en Algérie, ses enfants restant en France et placés à l’Assistance Publique. On lui a proposé de demander la nationalité française ; mais c’est renier sa foi et être et être rejetée de tout le clan familial.
L’aide, c’est aussi la prière ; et n’est-ce pas le plus beau de notre amitié, quand ensemble, l’une priant Allah, l’autre Jésus, le Père nous réunit dans son amour.
Une bénévole du Secours Catholique